Page:Reclus - Étude sur les fleuves, 1859.djvu/26

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entraîne, elle soulève incessamment les terres et les rochers qui la contiennent ou qui s’opposent à son cours ; caillou à caillou, grain de sable à grain de sable, elle porte les montagnes dans la mer ; elle n’est pas seulement, comme le dit Pascal, un chemin qui marche, elle est aussi une masse continentale en voyage, qui, dans les siècles d’hier, était couverte de la neige éternelle des montagnes, et qui demain se fixera sur les bords de la mer et augmentera le domaine de l’homme. Ainsi, les fleuves établissent la circulation des solides aussi bien que celle des fluides ; ils sont comme le sang de l’homme, une chair encore fluide. Nous tâcherons d’examiner ici de combien de manières diverses les fleuves travaillent au renouvellement de l’étendue continentale qu’ils parcourent.

Tout courant d’eau tend constamment à régulariser sa pente, à l’augmenter où elle est presque insensible, à la diminuer où elle est trop rapide. Quand un torrent des montagnes tombe dans le bassin d’un lac, ses eaux impétueuses et chargées de sédiment se trouvent tout à coup arrêtées dans leur chute par la masse tranquille qui les reçoit ; les cailloux, les débris de toute nature qu’elles roulaient s’arrêtent, le sédiment qu’elles transportaient se précipite, remplit l’extrémité supérieure du lac et diminue d’autant la capacité de son bassin ; aussi l’embouchure du torrent avance-t-elle sans cesse dans l’intérieur du lac, et celui-ci doit finir par se combler. D’un autre côté, il est évident que le lit du torrent se hausse à mesure qu’il empiète sur le lac, car s’il restait horizontal comme la surface du lac qu’il remplace, le torrent n’aurait plus la force de dé-