Page:Reclus - Étude sur les fleuves, 1859.djvu/9

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D’immenses empires futurs attendent sous les sables que l’homme les réveille de leur néant ; le domaine de la civilisation s’agrandira, ici par le desséchement des terres marécageuses, là par l’irrigation des terres arides, et l’homme opérera la séparation des deux éléments, liquide et solide, partout où le chaos primitif subsiste encore, soit à la surface, soit dans les profondeurs mêmes de la terre.

Il est peu de rivières d’une longueur assez considérable qui aient trouvé pour creuser leurs lits une pente uniforme, des champs de neige jusqu’aux rivages de la mer ; la plupart rencontrent dans leur cours, et surtout près de leurs sources, une chaîne de montagnes, un plateau, ou bien un renflement très prononcé de la surface terrestre. Encaissées dans une vallée étroite, et ne pouvant tourner la barrière qui se dresse en travers de leur courant, les eaux de la rivière s’accumulent et s’enflent jusqu’à ce qu’elles puissent s’échapper par-dessus les obstacles qui les environnent, ou bien jusqu’à ce que l’évaporation leur enlève une quantité d’eau égale à celle que leur apportent les sources, les glaciers et les champs de neige. Dans les deux cas, l’obstruction donne naissance à un lac. Les continents dont les plateaux sont larges et massifs, l’Asie et l’Afrique surtout, sont remarquables par le nombre des fleuves qui n’arrivent pas jusqu’à l’Océan et forment des lacs intérieurs sans effluents. Dans ces grandes masses continentales, le renflement de la croûte terrestre s’étend sur de trop larges espaces, l’air est trop sec et trop altéré d’humidité pour que les eaux de l’intérieur puissent passer par-dessus les rebords de