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Page:Reclus - Amis et compagnons, 1906.djvu/8

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siècle se ressemblent par le mouvement, par le rythme, par le sens profond de leur allure, ils diffèrent beaucoup par le détail et par l’importance qu’ils prennent dans le souvenir des hommes. La Révolution moscovite sera certainement l’une de celles qui prendront rang, comme la Révolution française, parmi les grandes époques de l’humanité. Mais cette fois il ne s’agira plus seulement de l’entrée du Tiers-État dans le corps de la nation ; le monde des ouvriers revendique sa part de liberté, comme les intellectuels, ainsi nommés, de la bourgeoisie, et c’est même à lui spécialement qu’est due l’initiative de l’émancipation. Les paysans aussi entreront dans la grande évolution, car la cause première de l’instabilité de toute la nation russe provient du servage et de l’injuste répartition des terres. La Russie sera donc remuée dans son ensemble jusque dans sa dernière cabane.

Mais une question, autre que celle des classes, s’agitera forcément, celle des peuples de langues différentes, de consciences nationales distinctes. Ce que l’on appelle la Russie est un immense domaine de conquêtes où sont parquées des nationalités asservies ; les Polonais et Lithuaniens y sont retenus de force à côté des Moscovites ; Esthes et Livoniens y sont tenus sous la domination d’une bourgeoisie allemande, elle-même brutalisée par des fonctionnaires russes ; puis la vaste nation des Petits Russiens y gère péniblement sa vie, privée du droit de donner à sa langue son libre développement littéraire. Ailleurs ce sont les Finlandais que l’on enrégimente dans le grand troupeau, grossi déjà de tant d’autres groupes touraniens, Bachkirs et Vogules, Mechetcheriakes, Mordvines et Tchérémisses. Des Kalmouks bouddhistes, des Tar-