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LES NEIGES.

dont parlent les poètes, est percé, déchiré en mille endroits. Les saillies de la montagne passent au travers de cette enveloppe, et les nuances sombres des roches, contrastant avec la blancheur de la neige, accusent ainsi le relief des escarpements avec plus de netteté. Dans les ravins profonds, les flocons se sont accumulés en couches épaisses ; sur les pentes rapides, ils brodent légèrement les fissures comme un mince voile de dentelle ; sur les falaises abruptes, ils ne se montrent que çà et là en mouchetures brillantes. Chaque pli de la montagne est signalé de loin sous sa véritable forme par l’éclatante coulée de neige qui l’emplit ; chaque roche saillante révèle ses protubérances et ses anfractuosités par les couches neigeuses d’épaisseur diverse, alternant avec la nudité du roc. Là où la roche est formée de strates régulières, la neige trace de la façon la plus nette les lignes de séparation. Elle repose sur les corniches et se détache des parois d’éboulement. À travers les accidents de toute espèce, les saillies et les retraits, on voit les lignes d’assises se continuer avec une étonnante régularité sur des espaces de plu-