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L’AVALANCHE.

Et pourtant, il s’est trouvé de ces meurtriers, et en grand nombre. De même que, de nos jours encore, des soldats soi-disant « civilisés » forcent à la soumission les habitants d’une oasis en abattant les palmiers qui sont la vie de la tribu, de même il est arrivé souvent que, pour réduire des montagnards, les envahisseurs à la solde de quelque seigneur, ou même les pâtres d’une autre vallée, ont coupé les arbres qui servaient aux villages de sauvegarde contre la destruction. Telles étaient, telles sont encore les pratiques de la guerre. Non moins féroce est l’avide spéculation. Lorsque, en vertu de quelque achat ou par les hasards de l’héritage ou de la conquête, un homme d’argent est devenu le propriétaire d’un bois sacré, malheur à ceux dont le sort dépend de sa bienveillance ou de son caprice ! Bientôt les bûcherons sont à l’œuvre dans la forêt, les troncs sont abattus, précipités dans la vallée, débités en planches et payés en beaux écus sonnants. Un large chemin se trouve ainsi frayé aux avalanches. Privés de leur rempart, peut-être les habitants du village menacé persistent à y rester par