Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/140

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tout à coup, les voilà qui frémissent, qui tournent sur eux-mêmes, et de plus en plus rapides, s’élancent dans un pli de l’eau pour disparaître avec la chute. Ainsi, dans une procession sans fin, tout ce qui descend à la surface de l’eau obéit à l’attraction du gouffre : on voit ces objets s’enfuir comme des stries rapides, comme des traits aussitôt évanouis qu’entrevus ; le regard, entraîné lui-même sur la pente par cette fuite désordonnée des feuilles et des archipels d’écume, cherche à se reposer dans l’abîme vers lequel tout semble marcher : c’est là, semble-t-il, dans le gouffre mugissant, que doit se trouver la paix.

Parfois un insecte qui se débat dans le courant ou qui cherche à monter sur une feuille flottante arrive, lui aussi, lentement porté vers le précipice. Il agite les pattes et les antennes en désespéré, il se ploie et se tord dans tous les sens ; mais dès qu’il a senti l’attraction terrible, dès qu’il a commencé de décrire avec la masse de l’eau la