Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

charme par une physionomie nouvelle. Pendant les grands froids, ceux d’entre nous qui ne sont pas frileux peuvent assister à la lutte charmante qui se livre la glace envahissante et l’eau restée mobile. De chaque petit caillou, de chaque racine avancée, une aiguille de cristal, puis une deuxième, une troisième et d’autres encore s’allongent à la surface de l’eau, et de toutes ces lames rayonnent à droite et à gauche mille flèches transparentes : un réseau de glace, formé d’innombrables lamelles, se tisse sur la nappe frémissante. Bientôt une sorte de collerette gracieusement découpée oscille autour de toutes les pointes de la berge, de tous les bouquets de joncs, de toutes les rondeurs des souches qui baignent dans le flot, et chacune de ces franges de glace prend tour à tour le ton mat du verre dépoli et l’éclat du diamant, suivant le mouvement des vaguelettes qui l’agitent et la font reposer tantôt sur un coussin d’air, tantôt sur la masse même de l’eau. Gagnant peu à peu vers le large, la