Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/307

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comme un immense organisme, un monstre prodigieux engloutissant des torrents d’un seul trait. Il est des villes qui ne se contentent pas d’un ruisseau et qui en boivent à la fois plusieurs, accourant de tous les côtés par des aqueducs convergents. Une capitale, — il est vrai que cette capitale est Londres, la cité la plus populeuse du monde entier, — ne boit pas moins d’un demi-million de mètres cubes par jour, assez pour emplir un lac où flotteraient à l’aise cent navires de haut bord.

Après s’être ramifiée à l’infini dans les rues et les maisons, l’eau des aqueducs, désormais salie par l’usage et mélangée aux impuretés de toute sorte, doit reprendre son chemin pour s’enfuir de la ville où elle engendrerait la peste. Chaque dalle, comme une bouche immonde, vomit des eaux ménagères ; chaque rigole coule son petit torrent nauséabond ; à chaque angle de rue, une cascade rouge ou noirâtre se précipite dans un puisard. Ce flot impur, seul ruisseau