Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/36

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tomber va rejaillir de toute part, non pas en sources, mais par la merveilleuse chimie du sol, en verdure et en fleurs éclatantes : pendant quelques jours, le désert se change en prairie. Par malheur, ces herbes se dessèchent en peu de semaines, la terre se calcine de nouveau et les habitants altérés sont obligés d’envoyer chercher l’eau nécessaire sur les lointains plateaux couverts d’efflorescences salines. L’eau est versée dans de grandes jarres, et l’on aime à s’y mirer de même que sous nos heureux climats nous regardons notre image dans le cristal des fontaines.

L’étranger qui s’égare dans certains villages de l’Aragon, haut perchés comme de crêtes de rochers croulants sur les contreforts des Pyrénées, est surpris à la vue du mortier rouge qui cimente les pierres brutes des masures. Il pense d’abord que ce mortier est formé de sable rouge ; mais non, les constructeurs, avares de leur eau, ont préféré se servir de vin. La récolte de l’année précédente a été bonne, les celliers sont remplis,