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l’homme et la terre. — inde

archipels, occupant huit degrés de latitude du nord au sud, forment ensemble une bague allongée et chacun d’eux développe lui-même ses terres en anneaux ronds ou ovales, composés d’îles ou d’îlots également annulaires : le même type d’atolls se reproduit à l’infini. « Douze mille », tel est le nombre d’îles dont le sultan des Maldives s’attribue orgueilleusement la possession ; mais les marins, qui les ont comptées, en trouvent bien plus encore, quarante mille au moins, construites de la même manière que les polypiers et dressant uniformément leur ceinture de récifs à deux mètres au-dessus du flot : partout les mêmes cocotiers qui se penchent sur la ligne infinie des brisants, partout les mêmes coquillages qui remplissent les anfractuosités du rocher calcaire et recouvrent les sables de la rive. On redoutait ces îles qui surgissent brusquement de l’abîme océanique, mais depuis des milliers d’années, bien avant que l’or et l’argent ne servissent de moyen d’échange, les marins venaient ramasser sur les plages des Maldives les blanches porcelaines ou caouri, qui furent la monnaie universelle sur tous les bords de la mer des Indes et qui, récemment encore, étaient l’appoint indispensable sur les marchés de l’Afrique, jusque dans les bassins du Niger et du Sénégal.

Ceylan, la grande île qui est au moins en apparence, séparée du continent, le résume par la beauté de ses formes : c’est une deuxième Inde, déjà très étendue, mais présentant en raccourci toutes les splendeurs de la terre voisine. Le fier massif de montagnes qui la domine au sud ressemble aux groupes de monts presque insulaires du midi de la Péninsule, mais il est devenu de beaucoup le plus fameux, grâce à l’un de ses pitons, non le plus élevé, qui porte sur la rondeur de la cime, au milieu des bouquets de hauts rhododendrons, l’empreinte d’un pied, celui d’Adam, le premier homme, disent les chrétiens et les mahométans, celui du Buddha ou d’un dieu, pensent les gens des anciens cultes. Non seulement chez les dévots, mais aussi chez les adorateurs de la fortune, le pic est devenu célèbre à cause de sa richesse en pierres précieuses, grenats, saphirs, topazes et rubis ; au sud de la montagne, la plage exondée de Ratnapura ou « Ville des Rubis » est formée de la poussière des gemmes brisées par le flot. Vers le nord de l’île, la colline au pied de laquelle s’étendait la cité capitale d’Anaradjapura portait jadis un temple, dit la légende, que terminait une escarboucle couleur de feu, illuminant le ciel comme un phare.