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l’homme et la terre. — arabes et berbères

cependant un grand nombre d’entre eux s’étaient réfugiés dans l’île de Pantellaria, où ils purent se maintenir en paix pendant quelques années, mais une flotte arabe les poursuivit dans cette retraite ; on dit que l’extermination fut complète : « Le sable de la côte se mêlait à leurs ossements. »

Il paraît que les Juifs étaient aussi parmi les Maurétaniens qui résistèrent à la conquête arabe. Ils étaient, pour la plupart, pense-t-on, descendants des Beni-Israel, captifs ou manœuvres qui avaient accompagné les Phéniciens à Carthage et firent souche dans le pays, puis se maintinrent sous les Romains, Vandales ou Bysantins, tout en exerçant une active propagande religieuse. Un récit sujet à caution raconte qu’une reine juive, Kahina, ayant groupé auprès d’elle les tribus berbères de la Tunisie méridionale, et même des Grecs, résista énergiquement aux Arabes pendant dix années : elle s’enferma pendant trois ans dans l’amphithéâtre d’el-Djem, transformé par elle en une puissante forteresse, et souvent désigné depuis sous le nom de Kasr-el-Kahina ou « Théâtre de la Prêtresse »[1].

La conquête des pays riverains de la Méditerranée était naturellement beaucoup plus désirable que celle des régions plus arides et moins riches de l’intérieur. Aussi se produisit-il un phénomène historique fort curieux, celui du refoulement latéral des populations chrétiennes de la côte vers l’intérieur. Tandis que les Arabes, très pressés, continuaient leur course vers l’Occident, les résidants nazaréens s’écartaient prudemment dans la direction du désert. Ainsi de l’Égypte, le christianisme avait remonté vers la haute Nubie et y avait conquis un territoire plus vaste qu’en la basse vallée du Nil. Vers l’an mil, Khartum était devenue la métropole de la religion du Christ dans le bassin supérieur du Nil, et l’on dit que ses églises étaient riches en or et autres objets précieux. Le dernier roi chrétien de la Nubie vivait au quinzième siècle, mais, deux cents ans après, on comptait encore des centaines de communautés chrétiennes ; il en exista même jusqu’à nos jours : c’est en 1886 qu’un évêque de Khartum, effrayé par les progrès du mahdi, licencia son église et que les derniers religieux se réfugièrent dans la basse Égypte[2].

De même, l’influence romaine, appartenant aux éléments les plus

  1. H. Barth, Wanderungen durch die Küstenländer des Mittelmeeres.
  2. M. Butcher, Revue des Revues, 1er juillet 1900, p. 105.