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jeux ; exemple des animaux

bon, franc camarade ; tel autre s’ingénie à commander ou s’habitue à servir. Dans les amusements comme dans la vie sérieuse, on voit des tyrans et des esclaves.

Même à son insu, l’homme, qu’il joue ou qu’il travaille, se laisse presque toujours entraîner par l’exemple d’autrui ; la plupart des spontanéités apparentes ne sont qu’imitation. Ainsi, l’historien doit le constater à l’origine même de l’humanité, le monde des animaux auquel nous appartenons et que nous continuons est devenu notre grand éducateur, il nous offre de précieux exemples pour tous les actes de la vie.

En premier lieu, la science par excellence, celle qui consiste à chercher et à trouver la nourriture, n’est-elle pas admirablement enseignée à l’homme par ses frères aînés, vertébrés et invertébrés ? Si l’homme, animal lui-même, avait été en peine pour les arts de la cueillette, de la chasse et de la pêche, les exemples à suivre ne se pressaient-ils pas autour de lui ? Sur la plage, les crabes et autres crustacés montrent les endroits du sable et de la vase où se cachent tels ou tels « fruits de mer » ; chaque animal allant à la glandée, à la fouille des racines, au viandis, à la pêche fut soigneusement observé par le famélique, et celui-ci essaya tour à tour les nourritures diverses, baies et fruits, feuilles et racines, bestioles et bêtes, qu’il voyait servir d’aliment à ses frères rapprochés. Bien plus, l’homme a pu demander à ses éducateurs l’art d’emmagasiner ses vivres pour les temps de disette : ce sont les termites, les fourmis, les abeilles, les gerboises, les écureuils et les chiens des prairies qui lui ont appris à se construire des silos pour y placer l’excédent de nourriture recueilli dans les saisons d’abondance ; tel village de termites, construit avec une méthode architecturale bien supérieure à celle des villages humains de la contrée environnante, offre un ensemble merveilleux de galeries, de greniers, de séchoirs et de magasins qui constituent tout un monde[1]. Enfin, que de moyens thérapeutiques, feuilles, bois ou racines, le malade ou le blessé a-t-il vu d’abord employer par des bêtes !

Peut-être même est-ce également à l’exemple des animaux que l’homme dut en mainte contrée ses débuts en agriculture. D’après le naturaliste Mac Gee, le travail de la terre américaine en vue d’une

  1. Tuckey, Schweinfurth, etc.