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sentiments moraux

être sûr de faire durer le cadavre dans l’attente de la résurrection future, il ne suffisait pas de l’embaumer, il fallait aussi le protéger contre les bêtes féroces, aux attaques desquelles le double front des montagnes désertiques l’exposait plus qu’en tout autre pays, il fallait le cacher sous des amas de pierres ou même dans le roc vif, il fallait aussi l’entourer de paroles magiques pour le défendre contre le mauvais sort et les méchants esprits, et c’est à quoi servait le Livre des Morts, le recueil de formules que devaient réciter ou psalmodier les parents et les amis du défunt.

sarcophage d’un scribe royal de la xixe dynastie Musée du Louvre. Cl. Giraudon.

Tous les usages des temps historiques nous prouvent combien le riverain du Nil tenait à être religieusement « recueilli vers ses pères », et c’est à la réalisation de ce vœu que s’appliquait la plus forte part des revenus personnels. La momification des corps appartenant à quelque haute famille coûtait un talent, soit plusieurs milliers de francs en monnaie moderne ; même le traitement des cadavres appartenant à la classe pauvre revenait à des sommes relativement considérables et prenait toujours soixante-dix jours réglementaires de préparation. Aussi les indigents, ceux qui n’avaient rien, qui ne pouvaient s’acheter les drogues, ni payer les ouvriers, ni disposer d’un caveau familial, ni même de quelques pieds carrés dans la nécropole commune, devaient également renoncer à l’espérance de renaître dans une vie plus heureuse : ils périssaient tout entiers. Les prêtres étaient