les ramasser au hasard dans le tas, M. Thiers, qui ne manque pas de colonels et de maréchaux, grossit son armée de jour en jour. M. de Bismarck lui envoie des soldats d’Allemagne. Les mobilisés, les débris des armées de Chanzy, de Faidherbe, de Bourbaki sont réexpédiés sur Versailles, arrachés, s’il le faut, aux travaux déjà repris de la charrue et de l’atelier. M. Thiers s’empare des marins, il désarme la flotte de ses canons, il se fait fabriquer des wagons blindés par les Compagnies de chemins de fer, les forteresses que M. Favre n’a pas livrées se dégarnissent de leurs mortiers, bombes et obus, les poudrières se vident : Versailles, les plaines tout autour ne sont plus qu’un vaste parc d’artillerie.
Mais de tous les canons à longue portée qui vomissent la destruction sur Paris, le plus terrible assurément est la calomnie. Et dans l’art de la manier, M. Thiers en remontrerait à Tartufe et à Bazile ; nul autant que cet odieux petit homme n’a le mensonge coulant, simple et facile, il a la scélératesse enjouée, la perfidie joviale. Comme il a trompé tout le monde, tous les partis coalisés, les républicains versaillais y compris, lui ont confié la France, chacun dans l’espoir que le vieux singe jouerait quelque tour aux partis ennemis. M. Thiers, le plus habile calomniateur du monde, à dire d’experts, a rendu plus de services à l’Assemblée que plusieurs divisions d’artillerie. Dix-huit heures sur vingt-quatre, l’infatigable vieillard travaille ; tous les fils du télégraphe de France et, pour ainsi dire, du monde entier, aboutissent à son cabinet ; nuit et jour, il fait mentir le fluide électrique ; cent préfets, cent procureurs, cent généraux répercutent le mensonge à leurs mille sous-préfets, substituts, lieutenants et sous-lieutenants ; le mensonge est réimprimé par les journaux à quelques cent mille exemplaires. Chacun répétant le mensonge croit lui-même le mensonge, la crédulité exalte le mensonge et l’exagération à son tour enivre la sottise, enthousiasme la niaiserie. Et Paris ne peut se défendre et plaider sa cause auprès de la province abusée, car la première habileté du méchant petit vieillard a été de supprimer tout envoi de journaux et même tout envoi de correspondance entre Paris et la province. — Les négociants ont été en députation supplier M. Thiers de ne pas