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Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/35

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journal de la commune

lesquels le malheureux Louis Blanc, ont fait afficher l’invitation à la population de s’abstenir.

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(Ici quelques pages devenues illisibles dans le texte et commentant les tentatives des « Amis de l’Ordre pour défendre la Société menacée », tentatives heureusement déjouées mais qui, pendant la journée du 22 mars, firent une trentaine de victimes : du côté de « l’Ordre », dix tués ou grièvement blessés ; du côté de la garde nationale, six morts et trois blessés.)

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La rumeur publique répand bientôt la nouvelle dans Paris. On s’attend à des récriminations passionnées, à des revanches peut-être sanglantes. La nuit, je parcours les boulevards, en proie à une fiévreuse anxiété : foule partout. On se racontait les événements du jour, on en interprétait la signification. Les discussions avaient lieu avec un calme, avec une courtoisie, un bon sens vraiment extraordinaires. Le ton dominant des conversations est d’une gravité triste. Plusieurs femmes, avec leurs enfants, sont mêlées à ces groupes épais ; elles prennent quelquefois la parole. Pas de salon dans le noble faubourg St-Germain où il eût été possible de traiter avec plus de mesure et plus de convenance cette histoire de sang et de larmes. Dans la rue de la Paix, il y avait encore des mares rouges, tous les blessés n’étaient pas encore pansés peut-être, et les deux partis, se rencontrant à cent mètres de là, ne se prenaient pas aux cheveux ! J’ai eu bien des étonnements dans ma vie, celui-ci est un des plus forts. C’était à croire qu’on rêvait, ou que jamais on n’avait rien compris à la France ni aux Français. J’étais sur le rond-point de l’Opéra, sur lequel débouche la rue de la Paix, c’était le point de départ, le lieu de ralliement de la manifestation. « Permettez-moi de rectifier l’incident », disait un des interlocuteurs ; « et permettez-moi de maintenir ma version », répliquait le premier, « j’étais un des gardes-nationaux ». Et les deux continuaient toujours sensément, posément et poliment. Il est vrai que nulle part, personne ne prenait la parole qui ne fût ou ne se dit républicain ; les policiers, les Gourdins réunis, les familiers du Figaro et les habitués du Jockey-Club étaient rentrés chez eux ou avaient repris la route de Versailles. Et cependant