Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
journal de la commune

l’état de choses créé par le Comité central, produit lui-même par le contre-coup de la traitreuse machination de M. Thiers. L’équivoque a cessé pour Paris où le suffrage universel n’est plus divisé avec lui-même, garde nationale d’un côté, municipalités et députation de l’autre. Si à Paris le suffrage universel est redevenu homogène, c’est pour être en opposition plus flagrante encore avec le suffrage universel tel qu’il est représenté par Versailles. Sur ces deux pôles opposés de Paris et de Versailles, pôles si rapprochés qu’ils se touchent presque, s’accumulent des électricités contraires, avec une tension de plus en plus formidable.

Y a-t-il un moyen quelconque d’empêcher ces deux électricités ennemies de se précipiter l’une sur l’autre ? La haine produit la colère, la colère engendre la haine, et leur rencontre c’est la foudre qui brise et qui déchire. Pouvons-nous éviter la tempête et l’ouragan ?

Il y aurait un moyen si on voulait l’employer. Il faudrait que la Province fît à son tour ce que Paris vient de faire, il faudrait qu’elle procédât à des élections générales. L’Assemblée provinciale a été nommée par nos paysans au cri, au seul cri de : « La paix ! la paix avant tout et à tout prix ! » Cette paix, l’Assemblée l’a votée dans les vingt-quatre heures, elle l’a payée cinq milliards, plus le déshonneur de la France. Puisque l’Assemblée a rempli son mandat, puisqu’elle a fait ce qu’on lui avait dit de faire, l’Assemblée n’a plus qu’à s’en aller.

Il s’agit maintenant d’une question plus terrible encore que celle de paix ou de guerre, il s’agit de savoir si la France se régénérera par la République ou si elle continuera à se laisser pourrir par la carie orléaniste ou la gangrène bonapartiste. Maintenant que la France est amputée de l’Alsace et de la Lorraine, et qu’il lui faut payer ce qu’elle a et ce qu’elle n’a pas, il s’agit de savoir si elle entrera enfin dans une ère de justice, de vérité et de travail. Nous aimons la France, mais nous lui préférons l’honnêteté et la moralité. Quand elle est partie sottement, niaisement et criminellement en guerre derrière Monsieur Bonaparte pour attaquer l’Allemagne, nous lui avons dit sévèrement son fait, nous eussions sans répit ni trêve protesté contre son succès ; dans une injuste guerre, nous ne l’eussions pas