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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

pas dans la grande capitale qu’il faut chercher les plus importantes, toujours, pour les causes plus haut énumérées. À Liverpool a été fondée la première association de tailleurs ; elle a maintenu son droit d’aînesse et est restée la plus considérable et la plus florissante de toutes ; elle est même sur le point d’enrôler dans rangs la grande majorité des tailleurs de la ville. — N’oublions pas non plus la Taylor’s Cooperative Association and Provident Company de Hull, Dans cette dernière ville avait été fondée, il y a quelque soixante ans, une compagnie minotière qui possède aujourd’hui deux moulins en activité et à laquelle on a fait l’honneur de donner le nom d’un premier essai de coopération, à cause de certaines dispositions libérales stipulées en faveur de ses membres. Nous la citons pour mémoire et pour être complet ; mais, pour notre part, nous tenons comme condition essentielle et distinctive des Sociétés nouvelles, qu’une part soit faite dans les bénéfices aux ouvriers, ou au public des acheteurs. Un correspondant du Coopérateur fait valoir en faveur des moulins de Hull que, pour n’avoir pas été fondée dans l’intérêt spécial de M. Public, cette Compagnie a conféré à M. Public d’immenses avantages. Cela se peut fort bien, mais, selon nous, toute exploitation conçue dans l’intérêt exclusif de ses actionnaires peut avoir son mérite, sans être pour cela inspirée par les principes nouveaux.

Nous ne savons pas jusqu’à quel point cette observation peut s’appliquer aux entreprises dites de coopération, qu’on prétend avoir été fondées à Huddersfield, à Manchester, à Salford, à Eccles, à Worsley, à Bristol, et en plusieurs autres endroits, dans les premières années qui ont suivi 1830. Des associations de ce genre se sont maintenues jusqu’à nos jours : les moulins de Galashield, par exemple, qui, établis il y a une vingtaine d’années, sont encore en pleine activité, et les magasins d’épicerie fondés en 1833 dans la petite ville de Brechin, en Écosse, par 800 souscripteurs sans grande fortune. Le succès de cette spéculation avait dépassé les espérances de ses plus confiants actionnaires ; d’année en année, les capitaux à peu près équivalents au capital souscrit primitivement s’élevaient de 75 à 100 %. Seulement, sauf l’imitation qu’en fit en 1842 la ville de Monrose, l’exemple de Brechin ne fut pas suivi. Pourquoi ? Parce que probablement cette entreprise n’ayant en vue que l’intérêt de quelques-uns et non celui de tous, était dépourvue de tout principe fécond. Aussi, quand l’année dernière un discours de M. W. Chambers vint attirer l’attention publique sur le système coopératif, Brechin et Monrose entrèrent en révolution ; la société des épiciers capitalistes fut bouleversée, les anciens cointéressés voulant maintenir telle quelle une affaire si lucrative, sans partager les bénéfices avec les acheteurs, et le parti des jeunes actionnaires voulant la remodeler sur le système de Rochdale. Incapables de vaincre la résistance du parti conservateur, les novateurs se retirèrent ; leur scission amena la dissolu-