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Page:Recueil de l'Académie des jeux floraux 1818.djvu/20

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De verser sur nos maux un baume salutaire,
Et de nous rendre heureux au sein de la misère ?
Homère est à la fois aveugle, abandonné :
Qui pourra soulager Homère infortuné ?
Les merveilles, l’éclat, le spectacle du monde,
Il perd tout… il lui reste une muse féconde :
Tout renaît à sa voix ; et bientôt l’univers,
Qui n’est plus rien pour lui, va revivre en ses vers.
Il est seul, sans secours, en proie à la misère :
Il l’oublie ; et déjà, dédaigneux de la terre,
De ses vastes pensers le vol audacieux
S’élance fièrement jusqu’au plus haut des cieux.
Les muses occupant son âme toute entière,
Il n’est plus malheureux, il n’est plus solitaire.
Suivons le Camouens, lorsqu’un ordre cruel
Le chasse du pays qu’il rendit immortel.
Quel sera son espoir ?… il chante ; et son génie
Le reconduit aux bords de la Lusitanie.
Vainement, exilé dans un triste séjour,
Il fuit ce beau pays auquel il doit le jour :
La pairie est toujours vivante en sa mémoire ;
Il se venge en poëte, il célèbre sa gloire ;
Il vante les exploits de ce fier conquérant
De Gama, qui, parti des bords de l’Occident,
S’avançait en vainqueur sur les mers étonnées,
Ces mers par des vaisseaux non encor sillonnées.
Neptune à ce héros a cédé son trident ;[1]
Qu’on cesse de vanter les exploits de Trajan,
Du vainqueur de Porus, du héros de Virgile :
L’Homère portugais a trouvé son Achille.
Déjà sur les débris du trône oriental,
Il plante avec Gama l’étendard triomphal,


  1. Cessem do sabio grego e do troiano
    As navegacoens grandes que fizerào :
    Callese de Alexandro e de Trajano
    A fama das vitorias que tiveraò :
    Que eu canto o pecto ilustre Lusitano,
    A quem Neptuno e Marte obedecèrao,
    Cesse tudo o que a Musa antiga canta,
    Que outro valor mais alto se alevanta.

    (Camouens, début de la Lisiade.)