Page:Recueil de l'Académie des jeux floraux 1819.djvu/8

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vij

Retirez-vous : rentrez dans les sombres abîmes…
Ah ! que me montrez-vous ?… quels sont ces trois tombeaux ?
Quel est ce char affreux surchargé de victimes ?
Quels sont ces meurtriers tout couverts de lambeaux ?
J’entends des chants de mort ; j’entends des cris de fête.
Cachez-moi le char qui s’arrête !…
Un fer lentement tombe à mes regards troublés ;
J’ai vu couler du sang… Est-il bien vrai, parlez,
Qu’il ait rejailli sur ma tête ?

Venez-vous dans mon âme éveiller le remord ?
Ce sang,… je n’en suis point coupable !
Fuyez, vierges ; fuyez, famille déplorable :
Lorsque vous n’étiez plus je n’étais pas encor.
Qu’exigez-vous de moi ? J ai pleuré vos misères.
Dois-je expier les crimes de mes pères ?
Pourquoi troublez-vous mon repos ?
Pourquoi m’apportez-vous ma lyre frémissante ?
Demandez-vous des chants à ma voix innocente,
Et des remords à vos bourreaux ?

Vous serez satisfaits, mânes chers à l’histoire :
Je veux consacrer vos regrets :
Heureux si ce trépas qui vous comble de gloire
N’était la honte des Français !
Mais non : quand ma patrie en a paru complice
Elle a désavoué le jour de leur supplice
Par de longs jours d’épouvante et de deuil.
Déchire-toi, voile des âges !
France, avec moi reviens à ce siècle d’orages
Gémir encor sur leur cercueil.

Sous ces murs entouré de gardes menaçantes
Siège le sombre tribunal.
L’accusateur se lève ; et ses lèvres tremblantes
S’agitent d’un rire infernal.
C’est Tainville : on le voit, au nom de la patrie,
Convier aux forfaits cette horde flétrie