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Page:Recueil de la Société d’agriculture du département de l’Eure, série 4, tome 5, 1881.djvu/445

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une de ses poésies, l’Adieu aux Muses, que Formont considérait comme un badinage concerté entr’elles et lui.

« Ce sont elles, disait-il, qui le lui ont inspiré, et elles peignent avec tant de grâces les agréments de son séjour qu’elles seraient très fâchées de l’abandonner et lui serait un ingrat s’il persistait à vouloir fuir des maîtresses aussi aimables et aussi fidèles. » [1]

L’Adieu aux Muses pouvait n’être qu’un simple badinage, mais assurément la description que nous donne Bréant dans cette poésie, de ses jardins et de sa serre, est de nature à faire supposer qu’il pouvait bien parfois négliger les Muses et leur faire quelqu’infidélité en faveur de la déesse des fleurs.

Cet Adieu aux Muses ne fut point une rupture de notre auteur avec la poésie. Formont lui écrivait à l’occasion de cette pièce : « Dites toujours adieu aux Muses comme les amants qui sortent par une porte et rentrent aussitôt par une autre. » Bréant suivit ce conseil, il continua de faire des vers et de travailler, notamment à son œuvre capitale : l’Art de peindre, dans laquelle il expose les règles et les principes de cet art, comme s’il en eût lui-même pratiqué les difficultés. Cette œuvre, à laquelle il travailla pendant plus de 30 années, lui ouvrit les portes de l’Académie de Rouen. Mais, humble et modeste, doutant toujours de son talent, Bréant ne se croyait pas digne de cette distinction qu’il ne voulait devoir qu’à son propre mérite et non aux recommandations bienveillantes de l’amitié. Dès qu’il fut informé qu’il allait être proposé comme membre associé, il s’empressa d’écrire à M. du Boullay, son ami et son présentateur, pour lui soumettre son hésitation et ses scrupules.

« Je serais certainement très flatté, Monsieur et cher ami, d’appartenir à votre Académie, sous quel titre que ce soit, si elle m’en croit digne, mais je serais très fâché qu’elle ne m’accordât cet honneur que par complaisance pour vous et

  1. Lettre de Formont à Bréant du 18 novembre 1757.