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Page:Recueil de la Société d’agriculture du département de l’Eure, série 4, tome 5, 1881.djvu/460

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autres chants étaient dans mon portefeuille et qu’il ne s’agissait plus que de les mettre en place et d’y ajouter quelques vers de remplissage pour en faire les liaisons… »

Il eût été vraiment fâcheux que l’œuvre de Watelet eût interrompu la composition de Bréant, chacune d’elles à son mérite. S’il se rencontre entr’elles quelques points de ressemblance dans le plan ou la division de l’ouvrage, y a-t-il lieu de s’en étonner ? L’un et l’autre auteur traitait le même sujet et avait pris pour modèles et pour guides les mêmes auteurs : Dufresnoy et l’abbé de Marsy.

L’œuvre de Bréant, celle dont nous nous occupons, est une œuvre consciencieuse, sérieusement méditée et mûrement réfléchie. Le vers y est facile et coulant ; souvent on y rencontre ce trait qui frappe et saisit l’esprit. Parfois aussi la facture en est large et puissante et quand fortement pénétré de son sujet, l’auteur est entraîné par l’inspiration, son style s’élève plein de force, de verve et de chaleur. Tel est ce passage où il raconte cet épisode de la vie du peintre Vernet, bravant la mort sur un écueil pour étudier les beautés d’une tempête :

De moment en moment de rapides éclairs
En serpents enflammés s’échappent dans les airs.
La foudre gronde, éclate et brise le nuage,
A d’horribles torrents elle ouvre le passage.
Elle tombe avec eux, la terre en a tremblé,
Les cieux ont retenti, l’océan tout troublé,
Les feux, les vents, la nuit, le ciel, la terre et l’onde,
Tout annonce aux humains la ruine du monde.
Vernet, sur un écueil où l’assiège la mort,
Sourit à ce chaos, l’admire avec transport
Et trace avidement d’une main ferme et sûre,
Ce spectacle d’horreur dont frémit la nature.
L’intérêt de son art, de son nom glorieux,
Ferme à tant de périls et son âme et ses yeux.
Dans ces flèches de feu qui voient sur sa tête,
Dans ces abîmes qu’ouvre à ses pieds la tempête,