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PRÆFATIO.


même vase, ils n’en prenoient pas à la fois plus d’un verre, mais ils y revenoient souvent. Il leur arrivoit quelquefois de se battre dans leurs festins : d’abord ce n’étoit que jeu, que badinerie, et ils ne se battaient, pour ainsi dire, que du bout des doigts : mais ensuite dès qu’ils étoient un peu échauffés, ils se battaient tout de bon, et si on ne les séparoit pas, ils s’égorgeoient fort bien. Dans des tems plus reculés la cuisse des animaux qu’on servoit sur table, était pour le plus distingué de la compagnie : si quelqu’autre s’avisoit de la prendre, alors les deux contendans se battoient jusqu’à la mort de l’un ou de l’autre. Quelques-uns pour de l’or ou de l’argent qu’ils recevoient sur le théâtre, d’autres pour un certain nombre de pièces de vin, qu’ils avoient soin auparavant de distribuer à leurs amis, se laissoient couper la gorge. Ils avoient chez eux un poison si subtil, que les chasseurs, lorsqu’ils avoient tué un cerf ou quelqu’autre animal, accouroient au plus-tôt, et coupoient l’endroit blessé, de peur que le venin venant à gagner, l’animal ne se putréfiât, et ne fût plus bon à manger :, mais ils avoient une écorce de chêne pour contre-poison. Ils ne craignoient ni les tempêtes, ni les tremblemens de terre, et prenoient leurs armes pour aller à la rencontre des flots. Ils affrontaient les dangers : c’est pourquoi ils faisoient des chansons en l’honneur de ceux qui étoient morts courageusement à la guerre, ils combattoient la couronne sur la tête : ils érigeoient des trophées, et se glorifiant de leurs belles actions, ils laissoient à la postérité des monumens de leur valeur, à la maniere des Grecs. Ils regardoient comme une chose si honteuse de s’enfuir, que souvent quand les maisons crouloient, tomboient, brûloient, ils ne bougeoient point de place. Quelques-uns atten-

Tom. I.
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