Page:Recueil des Travaux de la Société libre de l'Eure, tome 3, 1842.djvu/440

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dances, comptes ouverts, ventes et achats. Ce qui n’est pour le premier qu’un moyen de se procurer les objets qui lui manquent, devient pour lui un but principal. Tombe-t-il sur une espèce recherchée, il en remplit ses boîtes, son chapeau, ses poches. Il cote la valeur de chaque objet, et consent à rabattre quelques centimes s’il lui manque une patte ou une antenne ; mais il n’estime en général que la marchandise irréprochable, et il préférera se passer toute sa vie du papillon le plus curieux, s’il n’est muni d’un certificat constatant qu’il n’a jamais volé et que la fatale épingle a terminé son existence à peine commencée. Du reste, il déploie dans l’exercice de ses goûts une activité, une adresse, un arsenal de ruse et d’éloquence commerciales, qui l’auraient mené loin dans une autre partie. C’est un commis-voyageur perfectionné.

Pour l’entomologiste voyageur, les insectes ne semblent qu’une occasion de courir le monde ; son imagination ardente lui représente sans cesse des forêts obscurcies par le vol des lépidoptères, ou des prairies dont chaque brin d’herbe est chargé d’un coléoptère. L’expérience ne le guérit point, et s’il a parcouru quatre parties du monde, c’est dans la cinquième qu’il placera cet impossible Eldorado. C’est du reste un héros pour le courage et la persévérance ; les dangers ne sont rien pour lui, et partout où surgit un Cook, un Laplace, un d’Urville, il ne manque jamais à l’appel.

Son opposé est l’entomologiste observateur, qui sort peu de son jardin, où il passe sa vie à suivre les manœuvres du nécrophore ou les pérégrinations de la fourmi. Celui-là lit peu ou point de livres, et les faits les plus connus étant nouveaux pour lui, le nombre de ses jouissances défie les plus étroites limites. Aussi ce goût d’ob-