Page:Recueil des Travaux de la Société libre de l'Eure, tome 3, 1842.djvu/443

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quefois l’oubli du respect humain jusqu’à passer dans les rues enseignes déployées, il y est promptement remarqué. Or, dans une petite ville, qui dit remarqué, dit critiqué. Et combien y a-t-il en France de grandes villes qui ne soient pas petites villes sous ce rapport ? Il faut donc qu’il se résigne à subir les inconvénients de l’excentricité, c’est-à-dire à être regardé avec un étonnement peu flatteur par les dix-neuf vingtièmes des habitants pour lesquels, — faire comme tout le monde, — est la suprême loi. Aussi, la partie masculine de la population l’accuse-t-elle de manquer de maturité dans les idées, tandis que la partie féminine (je ne parle pas seulement des femmes) lui reproche de ne pas porter de sous-pieds à ses pantalons. Le filet surtout fournit aux hommes graves un argument sans réplique. Il est vrai que la plupart des entomologistes, effrayés de ce hourrah universel, déguisent ingénieusement cet instrument réprouvé sous la forme irréprochable d’une canne ; mais, une fois sorti de la ville, il faut bien se décider à le déployer, et les promeneurs du dehors ne tardent pas à surprendre le flagrant délit. Or, les gens raisonnables ne peuvent s’habituer à regarder un filet autrement que comme un jouet d’enfant, même ceux qui respectent la virilité dans le fusil de l’ornithologiste ou le râteau de l’horticulteur. Tel qui comprendra parfaitement qu’un homme sérieux s’occupe à faire de la tapisserie ou à tourner des tabatières, ne lui pardonnera pas de chasser des papillons. Enfin, les gens instruits eux-mêmes, qui sont convaincus de la nécessité et de l’élévation des sciences naturelles, ont une peine infinie à admettre l’entomologie au même rang que l’étude des grands animaux, comme si la nature avait proportionné à la grosseur ou tarifé au kilogramme l’intérêt et la beauté de ses productions.