Page:Recueil des Travaux de la Société libre de l'Eure, tome 3, 1842.djvu/444

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Mais les blâmes les plus violents que l’entomologiste ait à subir, sont ceux de cette classe de personnes qui mettent au premier rang l’utilité, et qui conçoivent difficilement qu’on puisse être supporté sur la terre, à moins d’y spéculer sur les grains ou d’y auner des étoffes. Ces personnes, qui sont fermement convaincues qu’elles n’exercent leurs — professions — que pour le plus grand bien de l’humanité, ne trouvent pas assez de dédains pour l’homme qui se voue à une science si peu productive, et généralement elles se contentent de l’accueillir par un magnifique haussement d’épaules.

Enfin il n’est pas jusqu’à ces gens inoffensifs, ces hommes bonæ voluntatis, dont parle l’Écriture, qui ne jettent aussi leur part d’improbation au pauvre entomophile ; seulement ceux-là sont plus doux dans leurs jugements, et plaignent plutôt qu’ils n’accusent. J’en ai entendu s’écrier, avec une compassion parfaitement sincère : Quel dommage que ce pauvre M. N*** ait la cervelle dérangée ! Un jeune homme qui pouvait aller à tout !

Ce n’est pas tout : quand l’entomologiste est rentré dans la vie commune, quand il a quitté son attirail de chasseur pour l’habit noir et les gants jaunes (les gants jaunes sont déchus aujourd’hui), et qu’il se risque à aller dans une soirée prendre sa part de ce plaisir qu’on vous vend au pied carré, ses tribulations ne sont pas finies. Sans doute la politesse enchaîne alors les langues et maintient les épaules dans leur position horizontale ; mais il devient la proie des phraseurs, qui après avoir passé la journée à sacrifier au dieu Argent dans leurs diverses officines, éprouvent secrètement, malgré leurs dires, le besoin de se réhabiliter à ses yeux du délit de lèse-intelligence. Ainsi, un grave personnage s’écriera, en lui prenant la