Page:Recueil des Travaux de la Société libre de l'Eure, tome 3, 1842.djvu/445

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main : « Ah ! monsieur, croyez que je sens tout ce qu’il y a de poésie dans vos études favorites ! Et moi aussi, monsieur, j’étais né pour aimer la nature ; et tout mon regret est que mes occupations m’empêchent de l’admirer sans distraction. » – Ou bien un autre, l’abordant ex abrupto : « Ah ! mon cher, j’ai pensé à vous aujourd’hui : figurez-vous que j’ai rencontré dans mes bois un insecte magnifique (suit la description pittoresque dudit insecte, lequel est habituellement de toutes couleurs). Savez-vous que c’est une douce occupation que la vôtre, et que j’envie parfois votre bonheur ? » – Ou encore, c’est l’homme politique du lieu, le candidat qui a échoué le matin, ou dont la pétition au ministère est restée sans effet : « Mon Dieu, monsieur N***, que vous êtes heureux de n’avoir point d’ambition, et que vous êtes véritablement sage de préférer vos jouissances tranquilles aux misérables plaisirs de la vanité satisfaite ! »

Eh bien ! tous ces mensonges dorés qu’autorise la politesse, sont peut-être plus difficiles à endurer pour l’entomologiste que les dédains sincères de ces mêmes personnages : car ils prouvent que ces hommes qui lui accordent la perspicacité des yeux du corps, ne lui supposent pas assez de bon sens pour deviner que le plus désintéressé d’entre eux, s’il était condamné à quitter ses places, ses honneurs, son argent, pour ces occupations dont il vante la douceur, y périrait de regret et d’ennui.

Telle est à peu près l’opinion qui a cours sur l’entomologiste, contre laquelle il lui serait à peu près inutile de se débattre, et qu’il accepte aussi avec une résignation tout à fait stoïque ; mais, si nous abordons le chapitre des dédommagements, peut-être réussirai-je à faire considérer son sort comme un peu moins digne de compassion.