Page:Recueil des Travaux de la Société libre de l'Eure, tome 3, 1842.djvu/447

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grâce de ces mystères, a peut-être manqué d’un sens pour goûter la vie ! »

Ceci n’est pas seulement finement pensé et élégamment écrit, c’est encore profondément vrai. Voulez-vous vous en convaincre ? Emmenez avec vous un entomologiste par une belle journée de printemps ou un beau soir d’été, et, quand la fraîcheur et le calme auront chassé par degrés le souvenir de vos affaires ou de vos soucis, quand vous ne songerez qu’à jouir des charmes de la promenade, examinez votre compagnon : il éprouve comme vous le bien-être qui court dans tous vos membres ; sa poitrine aspire comme la vôtre le souffle pénétrant de la brise ; comme les vôtres, ses yeux se reposent sur les harmonieuses couleurs du paysage ; ses narines dilatées pompent aussi les odeurs que la terre répand dans l’air rafraîchi ; son oreille comme la vôtre est remplie des bruits de la vie qui éclate autour de vous, et pourtant au milieu de ces jouissances perce une légère inquiétude. Il s’arrête brusquement pour interroger les arbres et les gazons ; au milieu de la conversation la plus animée, vous surprenez son regard obstinément attaché sur un point mystérieux ; ce qui vous semble l’espace est pour lui un monde dont les actions le distraient incessamment ; en un mot, il exerce un sens qui vous est inconnu.

Elle est donc bien absolue, cette passion qui poursuit son but au milieu des plaisirs comme au travers des dangers ; elle est donc bien pleine d’intérêt, cette science qui inspire des goûts que rien n’arrête, et devant lesquels s’efface tout ce qui remplit la vie du reste des hommes !

Et si vous croyez que j’exagère, écoutez encore Charles Nodier : « Faites comprendre, dit-il, si vous le pouvez, à une âme éperdue d’amour, qu’il est un moment de vos