Aller au contenu

Page:Regnaud - Le Rig-Véda et les origines de la mythologie indo-européenne, 1892.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le caractère exclusivement concret du vocabulaire védique est le sûr indice de l’état intellectuel de ceux qui s’en servaient ; s’ils étaient dépourvus de termes pour exprimer l’idéal, c’est que leur esprit ne connaissait que le réel et ne se préoccupait que du réel. Ni l’abstrait ni le mythe ne doivent intervenir dans l’analyse que nous faisons de leurs idées. La langue des hymnes, presque toute en adjectifs, ne visé que des objets sensibles, et c’est en ne l’oubliant jamais que nous avons le plus de chance de bien la comprendre.

Autant elle est descriptive et pittoresque, autant sont peu nombreux les objets qu’elle concerne, mais autant aussi elle use d’expressions différentes, d’images multipliées et de métaphores sans nombre peur en varier la peinture. Tout ou presque tout dans le Rig Véda se rapporte au sacrifice consistant dans l’élément liquide et l’élément igné qui lui donnent naissance. Ou, plutôt, les sacrificateurs-poètes ne voient que la libation, soit sous sa forme première, soit à l’état mixte où elle est à la fois coulante et allumée, soit dans la métamorphose qui la change en flamme ; autrement dit, ils célèbrent sans cesse Sonia destiné à devenir Agni, Soma-Agni qui participe de celui-ci et de celui-là, ou Agni, autre nom de Soma transformé. Mais que d’appellations diverses, que d’épithètes, que de synonymes, que de périphrases, que de comparaisons, que de formules énigmatiques ou paradoxales pour multiplier à l’infini les désignations de l’objet unique et changeant de leur culte !

Se rendre compte des traits si particuliers de ce style créé sans modèle et resté sans imitateurs est la première condition requise pour s’orienter dans le labyrinthe de la phraséologie des hymnes. Indépendamment de cette observation