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PRÉFACE

étroite, plus les idées nouvelles sont exposées à y trouver toutes les places prisés et toutes les portes closes. L’exemple de Bergaigne est fait surtout pour donner à réfléchir à quiconque pourrait croire qu’il suffit d’avoir raison en matière d’exégèse védique pour obtenir la prompte adhésion des plus compétents. Quand on voit le peu de compte réel qu’on a tenu, tout en le couvrant de fleurs, de ses découvertes les plus fécondes et les plus sûres[1], on se prend à désespérer d’obtenir plus que lui le bénéfice de cette religion scientifique qui consiste à sacrifier spontanément les idoles des formules baconniennes sur l’autel de la vérité.

Mais, après tout, qu’importe ? Dans la ferme espérance où je suis que mes idées n’auront qu’à profiter d’un examen sincère et approfondi, mon désir est plutôt encore de les voir discutées qu’adoptées à la légère. Or, la nature même des questions soulevées par mon livre s’oppose à ce que je puisse craindre de les voir étouffées en quelque sorte sous le silence des savants dont elles relèvent le plus directement. L’histoire et la philosophie sont trop intéressées à leur solution, pour que philosophes et historiens n’obligent pas les indianistes à dire ce qu’ils en pensent avec raisons à l’appui et conclusions motivées.

D’ailleurs, je ne suis pas seul à la besogne. Des collaborateurs jeunes et diligents sont prêts à me seconder et déjà se constitue la petite école à qui sera confiée la fortune des

  1. Un des savants étrangers qui lui ont rendu la meilleure justice, M. Oldenberg (dans les Beiträge de Bezzenberger, t. XVI, 1890), ne célèbre guère parmi ses travaux que ceux qu’il a consacrés au classement des hymnes. Tout admirables qu’elles sont, ces recherches restent d’une portée à peu près nulle au point de vue de l’interprétation du Rig-Véda. Il en est autrement de celles qui concernent les principes du style et de la lexicographie védiques et pourtant, à cet égard, personne ne le loue et surtout personne ne le suit !