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Page:Reichenbach - Experience and Prediction.djvu/105

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§ 10. IMPRESSIONS AND EXISTENCE 91

L’homme de bon sens est convaincu qu’il a raison d’affirmer que les tables, les maisons, les arbres et les personnes qui l’entourent existent comme lui. Non seulement il en est ainsi pour les objets de son expérience personnelle, mais les communications d’autres personnes et d’hommes de science sont également acceptées comme certaines. Qu’il existe d’autres continents que celui sur lequel nous vivons, que d’autres planètes et étoiles existent, incomparablement plus grandes que notre petite île dans l’univers, que des entités physiques invisibles telles que l’électricité, les atomes, les rayons X existent, tout cela est considéré comme un fait dont il serait tout simplement déraisonnable de douter. Ce monde de choses concrètement existantes est encore enrichi par d’autres choses que l’on qualifie d’« abstraites », mais qui sont néanmoins conçues comme existant également. Il y a l’État, en tant que corps politique, jamais vu directement dans son ensemble, mais dont la réalité s’impose à tous par l’expérience quotidienne ; il y a l’esprit de la nation dont l’existence est soulignée chaque jour dans les articles de fond des journaux ; il y a l’âme, la nôtre et celle des autres, dont le doute pourrait conduire à des collisions désagréables avec l’Église ; il y a la crise financière, dont la réalité n’a pas besoin d’être confirmée par les saintes autorités. Bref, il y a autour de nous un monde solide et compact, rempli de choses moins solides mais non moins réelles ; ce monde nous est donné dès l’enfance, et son existence ne fait aucun doute.

Le début du doute sur ce monde de faits marque, en effet, un écart par rapport à la saine poursuite des affaires quotidiennes. C’est cette sortie qui conduit de la simple soumission aux conceptions traditionnelles à une pénétration intellectuelle dans la formation des concepts et qui marque le début de la pensée philosophique. C’est l’enjeu de la tentative de comprendre ce que nous pensons, de clarifier la portée et la légitimité des conceptions humaines. Il s’agit