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Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/212

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membrure m’indiquaient la force du vent, et si la mer était grosse ou paisible. Le sixième jour de mon calendrier, ce qui faisait le dixième depuis notre départ, il y eut tempête dans toute l’acception du mot. Elle dura quarante heures et me fit croire bien des fois que la bâtiment allait s’ouvrir. Tout craquait autour de moi ; les caisses, les tonneaux qui remplissaient la cale se heurtaient avec un bruit terrible contre les murs de ma prison, et de grosses lames, des coups de mer, comme les appellent les matelots, se ruaient avec furie sur les flancs du navire, qu’elles semblaient vouloir mettre en pièces.

J’étais convaincu que nous allions faire naufrage, et il est plus facile de concevoir que de dépeindre quelle était ma situation ; je n’ai pas besoin de vous dire que j’étais plein de frayeur. Pouvais-je ne pas trembler quand je pensais que le vaisseau coulerait à fond, et qu’enfermé de toute part dans mon étroit cercueil, je ne pourrais pas faire le moindre effort pour me sauver. Je suis sûr que j’aurais eu moitié moins d’effroi si j’avais été libre.

Pour comble de malheur, je fus repris du mal de mer, ce qui arrive toujours en pareil cas, lors d’une première traversée. Le grand vent ramène l’odieuse maladie, et parfois avec autant de force qu’au moment du départ. Il est facile de le comprendre ; c’est la conséquence des mouvements désordonnés du vaisseau, fouetté par la tempête.