Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/217

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de me contenter de la ration que je m’étais prescrite ; c’était au-dessus de mes forces, et je ne cessai de manger qu’après avoir fait disparaître quatre biscuits bien comptés. J’avais entendu dire que rien n’aiguise la faim comme le mal de mer, et j’en avais la preuve ; mes quatre biscuits empêchaient à peine mon estomac de crier, et si je n’avais pas redouté la famine, j’en aurais mangé trois fois plus.

J’avais également soif, et bus deux ou trois rations ; mais cette petite débauche n’avait rien d’inquiétant ; j’avais plus d’eau qu’il n’en fallait pour terminer le voyage. Toutefois à condition de ne pas la gaspiller ; et si j’en buvais peu, il s’en perdait beaucoup. Je n’avais rien pour la recevoir, ni verre, ni tasse ; quand j’ôtais mon fausset, le liquide jaillissait avec force, bien plus vite que je n’y mettais les lèvres, bien plus vite que je ne pouvais l’avaler ; il m’étranglait, j’étais forcé de reprendre haleine, je m’inondais le visage, et trempais mes habits, à mon grand déplaisir et au grand préjudice de mes rations.

Il me fallait un vase quelconque. J’avais bien pensé à l’une de mes bottines, dont je n’avais pas besoin ; mais il me répugnait de m’en servir pour cet usage.

Pressé par la soif, comme je l’avais été, j’y aurais bu sans scrupule ; mais à présent que j’avais de l’eau, je pouvais boire à mon aise, et faire le délicat.