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LE CHEVAL SAUVAGE.

n’avait plus d’autre perspective que la verdure de la pampa et le bleu du ciel. Mes compagnons étaient depuis longtemps restés en arrière. Les mustangs avaient rebroussé chemin. Dans l’immensité de la plaine, il n’y avait plus que deux objets mouvants : la forme blanche de l’étalon qui fuyait, la forme sombre du cavalier lancé à sa poursuite.

Jamais ma jument n’avait fourni une course plus longue, plus acharnée, d’un galop plus persistant. Nous avions déjà dévoré l’espace de dix milles sans que j’eusse eu besoin de donner un seul coup de cravache, tant l’ardeur de ma courageuse monture était infatigable. La pampa avec son tapis d’herbe courte offrait une surface unie comme celle de l’Océan et ne laissait aucun lien de refuge au fugitif qui devait indubitablement devenir ma proie. En avant donc, en avant !

L’étalon avait cessé de faire entendre son hennissement de défi. Il était manifeste qu’il commençait à se fier moins à sa vitesse ; celle-ci paraissait diminuer et ses forces s’épuisaient. Bientôt, il n’y eut plus entre lui et moi que deux cents pas. J’étais convaincu de mon triomphe. « Encore un effort ! m’écriais-je, comme eût fait un général à ses troupes, et la victoire est à nous ! »

Je cherchai des yeux mon lasso. Il pendait au pommeau de ma selle, le bout attaché à un anneau, le nœud libre, les lanières bien en état. Je levai le bras pour le lancer. Hein ! qu’est ceci ? Pendant que je déroulais le lasso, mes yeux s’étaient une minute détachés de ma proie. Quand je les levai, le Cheval blanc n’était plus là.

Je serrai d’une main de fer la bride à ma jument, si violemment, qu’elle plia les genoux et faillit s’abattre. Mon mouvement était d’ailleurs inutile ; le noble animal s’était arrêté de lui-même, paralysé, comme moi, de stupeur. Où donc était passé l’étalon sauvage ?