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Page:Reid - Le Cheval sauvage, 1888.djvu/27

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LE CHEVAL SAUVAGE.

un mystère ; d’un bond formidable, il s’était jeté dans le gouffre de plus de vingt pieds de profondeur, puis, comme l’attestaient visiblement les empreintes de ses sabots, il avait longé la paroi gauche. L’excavation formait, à peu de distance de là, un coude. Le fugitif avait tourné ce coin, et j’avais cessé de le voir. Il était clair qu’il m’avait échappé, qu’il était inutile de vouloir le poursuivre davantage, que j’en étais pour ma peine et qu’il ne me restait plus qu’à renoncer à ma chimère.

Alors, pour la première fois, je réfléchis à la situation qui m’était faite. J’étais, il est vrai, débarrassé de la crainte que j’avais eue un instant auparavant ; mais ma position était loin d’être agréable. Je me trouvais à trente milles au mois de ma garnison, et je ne savais comment m’orienter pour la rejoindre. Le soleil descendait sous l’horizon, et me fournissait ainsi un point de repère ; mais je n’avais pas la moindre idée de la direction que nous avions prise au départ, et je ne me rappelais plus du tout si nous avions marché à l’est ou à l’ouest. Peut-être aurais-je pu me guider en revenant sur mes propres pas dont les traces devaient exister, mais j’avais remarqué qu’en beaucoup d’endroits cette piste avait été piétinée et par conséquent détruite par les mustangs dans leur fuite désordonnée, et je pouvais en conclure qu’il me serait difficile, sinon impossible, de retrouver les nombreuses sinuosités que j’avais décrites dans cette longue course au galop.

Un fait certain, dans tous les cas, c’est qu’il eût été complètement inutile de rien essayer avant le lendemain matin. Le soleil ne pouvait tarder de disparaître. La nuit allait tomber dans une demi-heure et rendrait impossible toute recherche de ma piste. Je n’avais pas d’autres ressources que de rester où j’étais, en attendant le retour du jour.