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LE SALUT ?

moi. Il tenait l’appareil d’une main désinvolte. Il mena tout de suite la conversation.

Je compris qu’il s’agissait d’une réunion à organiser. « Ce serait curieux, pensai-je, de le voir et de l’entendre devant une foule… »

Saint-Remy posa son téléphone.

— Il paraît, dit-il, que le Pape est mourant ; mais personne ne le sait encore, même pas lui… Ce n’est d’ailleurs pas pour cela qu’on m’appelait. C’est pour organiser, dans mon petit pays, à Pont-sur-Indre, que vous connaîtrez bientôt, une réunion des « notables » : retenez le mot, qui précise la chose. Il n’y a pas de parti de nos jours qui ne réussisse à se faire acclamer par quarante mille personnes ! Outre que grâce au Ciel j’éviterai de créer un parti, j’ai horreur de ces masses qui n’indiquent rien, que le besoin qu’ont les gens de se coucher tard et d’éprouver en commun des sentiments tumultueux. Ils croient que c’est de l’action. Pas moi ! J’ai surtout décidé de ne pas consulter l’opinion, ayant horreur du suffrage universel. Je m’adresserai à l’élite, ce qui ne veut pas dire les Veuves de Maréchaux, l’Institut, les Duchesses qui chassent à courre et le Recteur de l’Université. Non. D’abord, mon village ! Je commence par un village de France. Nous n’arriverons au chef-lieu que si je réussis, et à la capitale…