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GASPARD

Dis donc, déjà l’ boni de la guerre ! Ah, poteau, t’en fais pas : on va s’ payer des bosses !

C’était bien Paris faisant irruption dans la petite province.

Une pierre ricochant sur une mare, un mirliton se moquant d’une grosse caisse, un épouvantail au-dessus d’un champ de choux. C’était l’esprit populaire qui disait : « Ne m’oubliez pas dans vos bagages ! » C’était l’amour-propre du pays, quelquefois fanfaron, plus souvent débrouillard, jamais à plat, mais rebondissant, le geste drôle dans la bataille, le grand coup d’aile de la victoire. C’était, — pour commencer la guerre, — le mot de la fin, qui s’essayait.

Ce Gaspard était grand, comme il faut être pour faire la nique aux petits et se mesurer avec les autres. Des mains d’homme qui ne travaille pas de la tête, mais une tête à savoir se servir de ses mains. Lèvres humides, œil fureteur, cheveux rebelles, un brin de moustache satisfaite, et surtout un nez comique, un long nez tordu mais honnête, ne reniflant que d’une narine mais de la bonne, si bien qu’il semblait que c’était le front, curieux et remuant, qui laissait pendre ce nez à gauche, pour pêcher dans le cœur des idées et des mots.

Le premier clerc de Maître Farce, qui se tenait près de la gare, regarda passer Gaspard avec un