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GASPARD

— Tiens, la fine gueule !

— Et de l’eau-de-vie ? Y a-t-il de l’eau-de-vie dans ce patelin-là ? Est-ce que tu as vu des indigènes ?

— On va esplorer.

Gaspard sortait. Burette cria :

— Si tu trouves aussi une petite femme mignonne.

— J’ la garde !

Gaspard fit son café. Deux heures après il fit la soupe ; le soir il fit le rata. Et le lendemain il recommença le tout.

Le régiment campait à cent mètres de la Meuse, dans un pauvre village lorrain à toits presque plats, dont les tuiles rouges paraissaient assemblées, tant bien que mal, par des mains de miséreux maladroits. Les maisons, le long de la route, étaient posées au petit bonheur. Le clocher de l’église chavirait, — une église de dessin d’enfant. Il y avait des fumiers épais devant les portes. Et l’aspect de tout était minable et poignant en ces heures d’angoisse, où l’approche de malheurs nouveaux faisait revivre pour l’esprit tout ce que cette terre avait enduré déjà. Pays éternellement victime de la guerre, qui subit l’invasion comme un autre l’orage, et qui ne s’étonne même plus, lorsque l’ennemi en armes est annoncé. Il est reconstruit hâtivement, comme