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GASPARD

pour s’écrouler sans douleur à la première secousse. Les visages sont durs et résignés. Et les soldats qui sortent de provinces aux destinées heureuses, ne comprennent pas que cette rudesse de l’habitant vient de sa souffrance, bien plus que d’une animosité.

Gaspard qui, d’une porte à l’autre, avait quémandé du beurre, des oignons, une brochette, une « castrole », revint furieux, maugréant : « Des chameaux, tous des chameaux ! C’ que ça m’ dégoûte d’aller m’ faire crever pour des tourtes comme ça ! »

Seulement, c’est à sa marmite qu’il dut confier son amertume, car les camarades, avec le capitaine, étaient partis sur les bords de la rivière faire tranquillement l’exercice, comme un jour de paix.

L’ordre était général pour le régiment ; mais le capitaine Puche avait une manière si paisible de le faire exécuter, qu’on lui doit ici une parenthèse pour présenter sa curieuse personne.

Le colonel et les autres officiers avaient, depuis cinq jours, la bouche vibrante et toujours prête à quelque allocution patriotique. Lui, pas encore une fois, n’avait parlé de la guerre. Il y allait sans trouble ; mais l’événement ne lui suggérait aucune phrase enflammée : il n’était pas avocat ; il était capitaine ; c’est-à-dire que, d’abord, avant