Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de tous ceux ou celles qui, jusqu’alors, ne l’avaient tolérée que comme simple amuseuse.

Son triomphe, c’était le choix des épithètes frivoles réservées pour l’ordinaire à son pékinois favori et dont soudain elle usait pour qualifier l’homme le plus gravement admiré. Sa façon d’être, à tel point familière avec quiconque passait pour avoir du génie ou, à la rigueur, du talent, forçait de conclure à la quasi-égalité de cette femme que nul n’aimait ni n’estimait et des esprits jugés les meilleurs, les plus aigus ou les plus vigoureux de l’époque.

Aussi, n’abandonnant jamais une si heureuse tactique, à seule fin de se parer d’un jeune succès, la Roumano-Scandinave, qui eût donné sa cascade de perles pour un simple rang qu’elle eût pu oser prétendre hérité de sa grand-mère, traînait-elle M. Arthur, dans des maisons où jamais il n’eût espéré aller lorsque, de son Amérique, sur la foi des magazines, il essayait d’imaginer Paris, ses merveilles et son gratin.

À dire le vrai, il enrageait d’entendre vanter son sourire aux dépens de sa musique, et il avait peur d’être ainsi limité par l’admiration trop affectueusement protectrice de celle qui l’avait découvert. Ne s’était-il pas répété chaque soir, au temps de la pension du jardin des Plantes : « Monsieur Arthur sera un jeune homme doré, mais Monsieur Arthur se rappellera toujours qu’il veut être un grand artiste. »