Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/131

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et comprit le remords. Durant bien des jours, rien ne put la consoler. Les caresses de Paul, très affecté lui-même, la trouvèrent insensible ; mais peu à peu leur amour gagna à cette épreuve une sorte d’élévation dont il avait toujours été privé. Ils s’aimaient moins brutalement parce qu’ils pleuraient ensemble.

Rien, autant que les grandes douleurs, ne transforme les grandes passions. Des sens, les affections éprouvées pénètrent jusqu’au cœur, resté jusqu’alors à peu près indifférent, et la souffrance subie en commun rend souvent indissoluble l’union fragile de deux êtres que les désirs seuls avaient réunis.

Lise et Paul éprouvèrent ce phénomène psychologique. Ils se disaient moins leur amour, mais leur amour était meilleur. L’isolement auquel les condamnaient les circonstances les rapprochaient davantage, et ils comprirent en même temps qu’ils devaient hâter la conclusion de leur mariage.

Ce n’étaient plus deux amants désireux de pouvoir vivre en toute liberté dans les bras l’un de l’autre ; c’étaient deux irréguliers qui voulaient avoir le droit de lever la tête, deux abandonnés aspirant à se refaire intérieur et famille.

Cependant ils devaient craindre d’être obligés d’attendre encore plusieurs mois, car le Code Napoléon étant adopté en Roumanie, il fallait avant tout que Paul obtint le consentement de sa mère. Or, s’il lui avait écrit pour le demander, Mme  Meyrin, bien qu’elle adorât son fils, ne lui avait pas répondu, poussée à la résistance par sa belle-fille.

Le peintre avait cependant un allié dans la maison : son frère Frantz ; mais le brave homme était lui-même sous la domination de sa femme, et toutes les observations qu’il avait timidement faites étaient restées sans résultat.

Paul se décida alors à en arriver aux mesures extrêmes, c’est-à-dire aux sommations respectueuses. Toutefois, voulant par déférence prévenir sa mère, il lui adressa ces lignes :

« Chère mère, j’ai un devoir de probité à remplir et