Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/159

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ser à lui, et Lise ne tarda pas à aimer, comme s’il était de la famille dans laquelle elle allait entrer, ce vieillard un peu ridicule peut-être, mais doux, poli, bien tenu, d’excellent ton, et l’un des premiers camarades de sa mère au théâtre. Car un jour la princesse Olsdorf qui, chez les Meyrin, s’efforçait de faire oublier son titre et son rang avait demandé à Dumesnil s’il n’était pas déjà à l’Odéon à l’époque où Mme  Froment y jouait, et l’excellent homme avait répondu, en s’efforçant de ne pas trahir son émotion :

— Oui, madame la princesse, j’ai connu Mme  Madeleine Froment, une artiste aussi intelligente que distinguée. Pendant deux ans, nous avons interprété ensemble le répertoire et alors, vous me pardonnerez de conserver ce souvenir, je vous ai souvent embrassée et fait sauter sur mes genoux. Je puis vous affirmer que vous étiez la plus jolie et la plus adorable fillette qu’on pût voir.

À ce détail sur son existence d’enfant, Lise avait souri et tendu la main à Dumesnil, mais sans lui demander toutefois ce qu’avait été Mme  Froment. Par intuition ou par pudeur, elle pensait qu’il était prudent de ne point interroger davantage le passé, bien qu’elle fût loin de supposer la vérité. Néanmoins, à partir de ce jour-là, il s’était noué, entre l’ex-princesse et le vieil acteur, des liens de sincère amitié.

On comprend donc facilement l’intérêt avec lequel l’ancien amant de Madeleine Froment avait suivi les phases du divorce de Lise, la joie qu’il avait éprouvée en la voyant devenir la femme de Paul Meyrin — il lui semblait qu’en épousant un artiste sa fille se rapprochait encore de lui — et enfin ses efforts pour faire cesser la brouille qui existait entre Mme  Frantz et sa belle-sœur.

Aussi luttait-il énergiquement avec Mme  Daubrel pour que les deux maisons fissent la paix. Il fallait absolument que les deux jeunes femmes devinssent amies. Il n’aurait pas alors besoin de dissimuler ses visites rue d’Assas, et il aurait ainsi l’occasion de voir plus souvent encore celle pour laquelle il se sentait des trésors de paternité. Si longtemps isolé, il aurait presque une