Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/161

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l’ornaient. Comprenant que, pour un artiste, l’atelier est la pièce de prédilection, Lise n’avait rien omis pour que celui de son mari lui plût tout à fait. Avant de vendre son hôtel de la Moïka, elle en avait fait venir le mobilier artistique : de vieux bahuts Henri II d’une irréprochable pureté de forme, des armes du Caucase, des tapis persans, tout ce qui avait pu trouver place chez elle ; et l’atelier de Paul passait à juste titre pour un des plus beaux de Paris.

Cependant, après avoir tout admiré, Barbe sortit de là mordue au cœur par l’envie et, pour répondre à Frantz qui, en descendant avec elle vers la Seine, lui manifestait franchement sa joie de voir son frère si bien installé, elle ne trouva que cette phrase :

— Oui, c’est superbe, mais que d’argent dépensé inutilement ! Ce n’est pas avec les vingt mille francs de rente que lui a apporté sa conquête et le prix de quelques tableaux qu’il vend çà et là, que ton frère pourra mener longtemps un pareil train.

Pour éviter une discussion qu’il sentait poindre, M. Meyrin sa garda bien de répliquer. Sa femme n’insista pas, mais le coup était porté. Elle se sentait plus que jamais disposée à haïr cette étrangère qui lui était si supérieure en tous points.

Ce fut bien pire lorsque, trois ou quatre jours plus tard, elle vint avec son mari et sa fille dîner rue d’Assas. Sans ostentation, tout simplement parce qu’elle aimait les belles choses et qu’elle les possédait, Lise fit couvrir sa table de la merveilleuse argenterie qui était restée sa propriété après son divorce et qu’on lui avait envoyée de Russie. Le repas fut exquis et cependant Mme Frantz mangea à peine. Sa belle-sœur eut beau se faire plus douce et plus charmante que jamais pour elle et pour Nadèje, la femme du violoniste voulut se retirer de bonne heure. Elle prétexta qu’elle était souffrante et ne cessa de répéter à son mari, tout le long du chemin, en retournant rue de Douai :

— Si l’ex-princesse Olsdorf croit que nous pourrons lui rendre de semblables dîners, elle se trompe. Si elle n’a