Page:René de Pont-Jest - La Bâtarde.djvu/259

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toute tentative dans le sens convenu entre lui et M. du Longpré. Il le dit à ce dernier, dont le désespoir ne saurait se peindre.

Il était donc condamné à ne plus revoir Jeanne ; il était donc privé à tout jamais des caresses de cette enfant dont les sourires le consolaient depuis trois ans ; de ces humiliations, de ces longues tortures, du sacrifice qu’il avait fait de sa jeunesse, de son bonheur et de celui de Blanche, il ne lui restait donc que le souvenir des quelques instants de joie qu’il avait volés à l’implacable logique des choses. Cela le rendait fou.

Et lorsqu’à ces pensées, déjà douloureuses, venait succéder l’inquiétude que lui causait l’avenir de Jeanne, transportée dans ce milieu funeste où trônait sa mère ; lorsqu’il songeait à ce que le mauvais exemple pouvait faire d’elle un jour, il se jugeait responsable devant Dieu et sa conscience de la perte de cette âme ; il se demandait si, à quelque prix que ce fût, au prix de son honneur même, il n’était pas de son devoir de la sauver.

Aussi, vingt fois en huit jours, monta-t-il les Champs-Élysées dans l’espoir de rencontrer sa fille, prêt qu’il était à quelque acte de violence ; mais jamais il ne put apercevoir Jeanne, et jamais non plus il n’osa franchir le seuil de cette habitation