Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un instant interdite, puis, reprenant un peu de sang-froid, elle répondit :

— Je suis profondément touchée, mais je ne puis prendre ainsi une décision, tout à coup. Oh ! ce n’est pas à moi que je pense, c’est à vous, à vous seul, à l’opinion publique, aux reproches que pourraient vous adresser vos parents, quelques-uns même de vos amis. Laissez-moi réfléchir ! Nous verrons plus tard. En attendant, soyez certain que si j’étais votre femme légitime, je ne vous aimerais pas mieux ; soyez certain aussi que je n’oublierai jamais ce que vous m’avez dit aujourd’hui.

Le brave Adolphe baisa longuement les deux mains que Geneviève lui tendait avec un sourire de reconnaissance et murmura :

— Merci ! Eh bien ! j’attendrai !

Mais cette proposition de mariage eut pour conséquence immédiate d’amener Mme  Mourel à envisager sérieusement sa situation sociale, de lui rappeler qu’elle était mariée à un forçat, et, tout naturellement, sa haine s’en accrut d’autant pour l’homme qui, l’ayant ainsi rivée à sa honte, était un obstacle à sa réhabilitation par une union honorable, et ne lui permettait pas de donner à son enfant adorée un état civil régulier.

Alors, autant elle s’était efforcée depuis longtemps d’oublier le condamné, autant, dès ce moment, elle désira être renseignée sur son sort, et fit tout dans ce but, sans se compromettre.

Les dernières nouvelles qu’elle avait eues de Jean dataient de l’époque où il avait quitté Toulon, en 1855, avec l’un des convois de forçats envoyés à la