Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/270

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Et ce bonheur, celui de sa fille surtout, son repos, son honneur, ce qu’elle avait mis vingt ans à conquérir, cette œuvre de patience, de volonté, d’orgueil et d’amour maternel ce succès dont elle croyait s’être rendue digne par ses sacrifices — elle oubliait ses fautes — cet échafaudage si habilement élevé, tout cela était maintenant à la merci d’un misérable qui, d’un mot, pouvait, du sommet qu’elle avait atteint, la précipiter dans la honte et le désespoir.

Ah ! s’il ne s’agissait que d’elle seule, comme ce malheur la trouverait vaillante ! Mais Claude, de quel crime était-elle donc coupable, pour que le ciel la frappât aussi cruellement ?

Et la pauvre mère sanglotait, demandait pardon à Dieu de ses erreurs de jadis, et s’accusait d’avoir creusé elle-même le gouffre qui s’ouvrait béant pour engloutir tout ce qu’elle aimait.

Le jour la surprit ainsi, toujours aux prises avec ces désespérantes pensées, sans qu’elle eût trouvé un moment de repos, et lorsqu’en s’habillant, elle se vit dans une glace, les traits tirés, le teint pâle, les paupières rougies par les larmes, elle comprit que chacun allait lire sur son visage les tortures de son âme.

Or il ne fallait pas que cela fût ! D’ailleurs le mal n’était pas absolument irrémédiable. Elle voulait du moins l’espérer.

Elle fit alors appel à toute son énergie et s’arma d’un tel courage que, quelques instants plus tard, quand elle entra chez sa fille pour l’informer qu’elle allait à Paris, où l’appelaient des affaires importantes qui la retiendraient peut-être rue de Prony jusqu’au lendemain, la duchesse ne se douta pas un moment