Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/72

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ces détails que j’écoutais venir les monstrueuses bêtes.

La tête de colonne parut bientôt. Les éléphants se ruaient les uns sur les autres, se poussant, se bousculant, pressés en masse compacte, renversant les jeunes arbres sur leur passage, fouettant l’air de leurs trompes, et remuant d’une façon si grotesque leurs grosses têtes, en jetant de leurs petits yeux des regards effarés dans les fourrés, que, dans toute autre occasion, j’eusse certainement éclaté de rire ; mais ma situation, vous le comprenez bien, m’en ôtait l’envie.

Nous laissâmes passer les premiers, puis deux détonations retentirent. Je crus avoir tiré, lorsque je vis deux des énormes bêtes s’abattre en gémissant. Il n’en était rien ; les deux coups de feu étaient de sir John, qui avait fait coup double sur les colosses absolument comme sur deux perdreaux. Pour moi, tout étonné du spectacle que j’avais sous les yeux, j’avais parfaitement oublié que je devais être aussi un des acteurs du drame.

La grosse voix du commandant du Fire-Fly me fit bien vite revenir à moi.

— À vous, que diable, à vous donc ! me criait-il avec un accent furieux. Une balle à celui qui va passer devant vous. À l’oreille surtout, à l’oreille !

J’obéis, et je fus tout étonné de voir l’animal tomber en se roulant dans la vase, car, encore tout ému, j’avais à peine pris le temps de viser.