Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/205

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« Cette seconde journée se passa exactement comme la précédente. Je marchais devant, mon compagnon me suivait. Nos provisions étaient épuisées et nous nous enfoncions toujours plus avant dans la forêt. Nous en étions réduits à nous nourrir de fruits sauvages.

« La nuit nous surprit une seconde fois dans cette situation peu rassurante.

« Quand nous nous arrêtâmes, l’Étrangleur m’ordonna, comme la veille, de me coucher. Il me lia de nouveau pieds et poings, et, par précaution et pour ne pas nous exposer aux dangers de la veille, il me coucha entre deux branches d’un arbre fort bas, puis il se hissa auprès de moi.

« La nuit fut terrible ; les lions et les tigres rugissaient dans les taillis ; à chaque instant je m’attendais à être arraché de ma retraite par l’un d’eux.

« Le lendemain, le Thug me délia, et nous reprîmes notre marche. Vers le milieu du jour nous finîmes par trouver la lisière de la forêt ; je marchais toujours devant le Thug, et je pensais que ma dernière heure était venue puisque mon compagnon allait pouvoir se passer de guide.

« J’aperçus bientôt la route à travers le feuillage ; mais au lieu de marcher de ce côté, je me dirigeai vers un épais fourré.

« — La route doit être par là, dis-je au Thug, en me retournant vers lui, venez.

« Et, pénétrant dans le fourré, je saisis le moment favorable où le bandit pouvait à peine me suivre à travers les branchages pour me glisser sous les broussailles, et disparaître aux yeux de mon persécuteur.

« Craignant d’être découvert, je restai tapi dans ma retraite pendant quelque temps, mais le Thug semblait s’être évanoui, lui aussi, comme par enchantement. Cependant, au bout d’une heure, je le vis se lever du pied d’un arbre où il s’était blotti, à très-peu de distance de l’endroit où je me cachais. Il regarda autour de lui, puis il s’élança dans la direction de la route, comme s’il voulait fuir.

« Je ne comprenais pas ce que cela signifiait, mais je ne cherchai pas à me l’expliquer. Ce qui était certain, c’est que j’étais seul et délivré.

« Deux heures plus tard j’étais en sûreté à Belaary.

— Reconnaissez-vous l’homme en question parmi les accusés présents ? demanda le président au témoin.

— Il y a bien ici, répondit Phaor, après avoir parcouru des yeux le triple rang des Étrangleurs, plusieurs individus qui se trouvaient positivement dans la bande de la forêt du Malwa, mais je ne vois pas celui qui m’a si longtemps poursuivi.

— C’est bien, dit sir Georges Monby à Phaor, vous pouvez vous retirer. Huissiers, appelez le témoin suivant.