Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/206

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Djemadee-Phaor s’éloigna du tribunal, et il allait se perdre dans les rangs de la foule, lorsqu’il s’écria tout à coup :

— C’est lui ! le voilà ! je le reconnais, le misérable !

Il venait de se croiser avec l’Hindou qui allait succéder à la barre des témoins, et il le désignait aux juges.

Cet homme, un colossal Bengali, à la crinière de lion, se mit à rire, et, haussant les épaules, il s’avança jusqu’en face du tribunal.

— Assurez-vous de cet homme, commanda l’honorable président au chef de la garde.

Quatre hommes armés se placèrent aussitôt auprès du Bengali dont le rire cessa brusquement.

— Vous, Phaor, continua le magistrat, approchez.

Rassuré par la présence des quatre soldats anglais, l’Hindou s’empressa d’obéir.

Supposant qu’elle allait assister à quelque nouvel incident dramatique, la foule, que l’exclamation de Phaor avait vivement émue, était redevenue silencieuse.

— Vous vous nommez Jeerighee ? dit le président au Bengali dans lequel Phaor venait de reconnaître son Étrangleur.

— Oui, mylord, répondit le colosse.

— Vous êtes appelé ici comme témoin ; mais de fortes présomptions tendent à nous faire croire que vous appartenez à la secte dangereuse que la justice poursuit en ce moment.

— Votre Honneur me pardonne, répondit avec fermeté Jeerighee ; je suis le géant-bateleur-saltimbanque de Belaary, l’homme le plus connu sur la place de la Grande-Pagode de cette ville. Tout le monde m’y a vu faire mes tours depuis quinze ans. Je porte deux hommes à bras tendu, et je fais promener des serpents sur mes bras.

— Y a-t-il ici, dans la salle, des habitants de Belaary qui connaissent cet homme ? demanda sir Monby au public.

Vingt voix répondirent aussitôt :

— Oui, nous le connaissons ! C’est un homme honnête. Il n’a jamais quitté la ville. C’est le géant Jeerighee.

— Je crois bien ! répondit fièrement Jeerighee-Fayoume, tous les jours je fais mes exercices sur la place de la Grande-Pagode. Je ne suis pas sorti de la ville depuis cinq ans, excepté une fois où ces coquins de Thugs ont failli me jouer un tour qui aurait mis fin à ceux que je fais moi-même. Mais le drôle qui m’a jeté le mouchoir sur la route de la forêt du Malwa, m’a manqué à cause de ma haute taille. Je l’ai fait pirouetter comme une toupie, et je me suis sauvé dans le bois, car ils étaient trop nombreux pour que je pusse leur résister. Ils ont, ce jour-là, tué plusieurs voyageurs. Les