Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/210

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« Ce serait vous faire injure que de le supposer un instant.

« Aussi ne vais-je que rappeler les faits principaux, afin de grouper les accusés en deux catégories distinctes.

« Je commencerai par cet homme, qui se fait gloire d’être le chef de cette bande maudite, et je ne m’arrêterai qu’un instant sur lui, par respect même pour vous.

« Al-Hyder-Aly, ex-brûleur de femmes, comme il a mérité d’être surnommé, a-t-il assez rempli sa vie de forfaits infâmes, et celui que je citerai au hasard ne suffirait-il pas pour que la loi fût appliquée dans tout sa rigueur ?

« Souvenez-vous du sacrifice dans la forêt de Rani ; écoutez encore les cris déchirants de la pauvre victime, de cette jeune femme, si cruellement brûlée vivante ; rappelez-vous l’attentat qu’il a dirigé contre la famille Buttler, jetez les yeux sur ce vaillant officier, aujourd’hui sans épouse, sans enfants ; entassez horreurs sur horreurs, lâchetés sur lâchetés, et jugez, jugez rapidement, afin de pouvoir bien vite détourner vos regards d’un tel monstre.

« Il était le premier d’entre ces misérables, qu’il soit encore à leur tête sur le gibet.

« Après lui, c’est un vieillard dont les jours se comptent peut-être par les meurtres qu’il a commis, dirigés ou ordonnés.

« Ce Sumsee, ce second chef de la bande, c’est le gooroo, le précepteur dans le crime ; c’est le professeur en tortures.

« Vous savez son influence sur les gens de sa secte ; vous savez l’égorgement de cet enfant sur les rives du Panoor ; il vous a dit qu’il fallait à sa déesse des libations de sang chaud, et que les victimes devaient être choisies jeunes et belles.

« Si sa puissance avait été à la hauteur de ses désirs, nos fleuves ne charrieraient que des cadavres. L’Inde tout entière aurait disparu. Ici, devant vous, il a avoué qu’il ne nous laissait que nos églises, que tout le reste de la presqu’île lui appartenait.

« Vos cœurs pourront-ils s’émouvoir un instant en le condamnant au dernier supplice, ainsi que Roop-Singh, son prédécesseur dans ces sinistres fonctions ?

« Aurez-vous plus de pitié pour Sap-Sati, dont le métier consistait à mieux recevoir les voyageurs pour les livrer plus facilement aux assassins, qui s’abritait sous votre autorité même pour fomenter impunément ses criminelles machinations. Et ce Zimana, allant çà et là implorer la charité en simulant des infirmités, pour découvrir, surveiller et faire tomber dans le piège ceux dont l’humanité le plaignait ?

« Lui, il vous a dit que son début dans le crime avait été le meurtre de