Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le soleil dorait le sommet des palmiers ; Moura-Sing et ses amis échangeaient de joyeux propos, et les chiens, se jetant en avant, faisaient lever dans les rizières des volées de pigeons bleus et de perdrix rouges qui fuyaient à tire d’aile.

Selon le vieux Seler lui-même, le voyage ne pouvait commencer sous de plus favorables auspices.

À mi-chemin de Golconde et de Bider, la caravane fit une première halte.

C’était là que Moura-Sing et les amis qui l’avaient accompagné devaient se quitter.

Après une légère collation dont chacun prit gaiement sa part, après force adieux et recommandations de tous genres, on se sépara.

L’Indien continua sa route vers l’Ouest.

Il voulait faire encore quelques milles avant de camper, pour laisser passer les plus grandes chaleurs du jour et arrêter définitivement avec Seler et Schubea l’itinéraire qu’il désirait suivre pour gagner Bombay.

Remonterait-il la vallée de la Manjura, ou se dirigeait-il immédiatement vers Panderpoor et Sutera ?

La première de ces routes l’isolait un peu jusqu’à Pangoum, mais elle était plus douce pour ses hommes, qui n’auraient pas à franchir les cent bras de la Kistnach, et Schubea en ayant fait ressortir tous les avantages, Moura-Sing décida que c’était celle-là que la caravane prendrait.

Quoique, depuis les dernières excursions contre les Thugs, on pensât les chemins parfaitement sûrs, le choix à faire parmi ceux qu’on devait suivre n’était cependant pas indifférent.

Aux Indes, lorsqu’elles ont une longue route à parcourir, les caravanes ne vont pas de ville en ville ; mais, au contraire, elles marchent le plus possible droit devant elles, n’ayant le plus souvent avec les centres de population que les relations nécessaires pour renouveler les provisions.

Durant leur trajet, elles suivent des sentiers à peine tracés dans le désert, ou côtoyent des jungles ; plus loin elles descendent un cours d’eau, ou campent dans la forêt.

C’est ce mode de voyage qui avait rendu si dangereuse la sinistre association des Étrangleurs, dont les attentats avaient lieu le plus souvent dans des endroits solitaires qu’on ne pouvait découvrir.

Un voyageur partait, il avait deux cents lieues à franchir par des chemins à peine connus, à travers des populations de mœurs, de coutumes et de langages différents. Il n’arrivait pas au terme de son voyage ; comment pouvait-on retrouver ses traces ?

L’ami assez dévoué pour se décider à un semblable pèlerinage, les suivait parfois jusqu’aux environs de la demeure d’un pauvre Hindou, fakir, derviche